jeudi 10 septembre 2020

Lettre à l'enfant que j'étais... Par Vincent Vallée.

 


Si on m’avait dit que je pourrais te parler, enfin ME parler à moi, moi petit... eh bien… Parce que, mine de rien, j’ai beaucoup de choses à te dire. Dix ans, non mais tu imagines ? J’ai 10 ans et je peux enfin me dire ce que je pense de moi. Tu sembles triste, pourquoi ? Tu es pourtant en bonne santé, tu as bonne mine et les cheveux en bataille. Mais il n’y a pas de lueur dans tes yeux… Où est passée ton insouciance ? Où est ton rire ? Ou tout simplement ton sourire ? Que dis-tu ? Ben oui, je le sais, tu es seul, et encore plus depuis l’année dernière, quand tu as compris qu’un visage si familier pouvait disparaître… Alors sois rassuré, ta crainte la plus profonde ne se réalisera jamais, jamais. Non, tu n’oublieras pas ton Tintin, et bien sûr qu’il veille et veillera toujours sur toi. Alors, avance, non ? Travaille un peu, étudie quoi…

Je sais que cela ne te semble pas important, parce que personne ne te le dit à part ton professeur, et donc cela paraît secondaire. Oui, le professeur a pour tâche de te dire de travailler. Tu détestes les maths, pas vrai ? C’est de pire en pire… Et le cours de natation, c’est l’horreur ! Eh oui, l’odeur du chlore continue de te mettre mal à l’aise. Notre oncle est un peu bête de nous faire peur chaque fois qu’on est sur le sable à la mer. Rien que pour ça, tu redoutes d’y aller… Oui, parfois, on ne voit pas les vraies craintes ou les fausses peurs chez les enfants. Toi aussi, tu feras cette erreur.

Eh bien oui, tu seras aussi papa. Tu n’y crois pas ? Pourtant, mon vieux… L’amour sera compliqué, mais peu importe, sois rassuré, c’est compliqué pour tout le monde. Mais dis, tu es franchement différent de l’homme que je suis, c’est évident. Pas étonnant que tu ne me croies pas. Tu es si éteint en ce moment… Alors que moi, je suis un révolté, une grande gueule. Tu vas courir vite, dis, pour rattraper ton retard. Ton docteur a-t-il demandé à maman de nous laisser tranquille ?

Ne lui en veux pas, elle fait ce qu’elle peut, et avec ses erreurs, elle sera toujours la personne la plus importante de ta vie. Tu sais, une maman, c’est avant tout une femme, une personne… La tienne t’aime beaucoup, alors pardonne-lui si elle ne fait pas tout comme tu aimerais. Tu te rappelles ces lectures que tu aimes tant en fin de journée à l’école, ces livres entourés de nuages, si bien lus par ton instituteur ? Tu devrais explorer cette passion, cela pourrait t’emmener sur un chemin… C’est magnifique, les mots, n’est-ce pas ? Tu aimes aussi les bandes dessinées et écrire de petites histoires.

Mais, comme pour tout le reste, tu ne m’écouteras probablement pas, puisque tu ne me liras jamais. Pourtant, c’est ce qu’il te faudrait faire, travailler encore plus… Parce que c’est ton rêve d’adulte. Si seulement tu pouvais me lire à 10 ans… Tout serait si différent, si différent. Tu aimes bien tes mains, je le sais, mais avec les mots, tu ne les abîmerais pas. Tu devrais vraiment me lire… Et tiens-toi droit, ne fais pas le malin quand tu apprendras un métier. Écoute les conseils, car ton dos… c’est précieux, tu verras. L’homme qui t’écrit cette lettre, que tu ne liras jamais à 10 ans, souffre en ce moment même, mal au dos, aux mains… Et aussi au cœur… de ne pas s’être lu 33 ans plus tôt. Car alors… Son lendemain aurait été rempli de livres, de mots, de lectures, tout ça, tout ça…





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