C’est lors d’une présentation littéraire que Daniel Charneux a exposé le roman que je viens de terminer. Il l’a présenté comme étant un de ceux pour lequel il a pris le plus de plaisir lors de sa rédaction. Et pour cause, il s’agit de la seconde passion de l’auteur : le jogging.
Je sais que tout auteur, pour
écrire quelque chose de profond et sincère et afin de cueillir ses lecteurs, a
besoin de puiser au fond de lui du vécu et c’est le cas ici. Et une
présentation littéraire vous revient en mémoire lorsque vous lisez le roman en
question. Des anecdotes, quelques passages ont soulevé chez moi, la mine de mon
crayon. Je vais vous les partager.
Il s’agit donc de narrer sous
forme d’un journal intime, ce que fut Steve Prefontaine pour le narrateur, Pete
Miller. J’ai cru de prime abord, lire une biographie, mais dans ce cas le roman ne serait
consacré qu’à Pre, c’était son surnom. Or, ici, il est question
surtout, à mon sens, de Pete Miller. En effet, il fait souvent référence à son
vieil ami Prefontaine certes, mais c'est son histoire à lui qu'on découvre, celle de Miller, Prefontaine fut un exemple et pour lui et pour tant d’autres, mais moi j’ai
beaucoup plus été touché par l’envie de Pete. L’envie de courir encore, ne rien
lâcher malgré les années. Et le narrateur de s’interroger par exemple en
écrivant ceci : « … Pareil à ces jeunes de plus en plus nombreux qui
refusent de donner la vie, car ils disent que c’est aussi donner la mort, à
quoi je ne peux qu’acquiescer. »
Une des particularités de ce roman est
le voyage au travers de quelques décennies américaines, ce qui nous vaut
quelques jeux de mots sympathiques comme : « Amère histoire indienne »
(Amérindiennes). Nous avons aussi l’opportunité d’apprécier ou non quelques
morceaux de musiques des années cinquante, toute une époque avec des sons de
qualité que vous aurez le loisir de découvrir lors de la lecture. Il y a aussi
quelques passages encourageants (n’est-ce pas un moteur pour le joggeur les encouragements ?)
comme celui-ci : « Un jour tu vas trouver quelque chose pour quoi tu
es doué et ce sera ton cadeau ».
On est aussi peu surpris de se
rendre compte que Pete est un auteur et d’ainsi nous donner par le biais de l’auteur
(Miller/Charneux) un conseil ou plutôt une constatation qui dit : «
Tu poses ton derrière sur une chaise, tu prends la plume, tu notes en trois
mots ton idée du jour, celle qui te trotte dans la tête depuis le matin, ou la
nuit, ou la veille, et tu te presses le cerveau comme un citron jusqu’à ce que
les trois mots soient devenus trois lignes, ou trente, ou trois pages. C’est
ça, l’inspiration. »
Pete raconte un de ses récents
défis, un relais entre amis vers le pied du Mount Hood, c’est ce qui m’a le plus séduis, intéressé. Cet homme qui ne baisse pas les bras se souvenant de
façon redondante ce que fut Pre, ce qui fit de lui un homme hors pair, un
sportif avec des convictions, une ligne de conduite. Une inspiration pour Pete
en somme, comme lorsqu’il se souvient des mots de son défunt ami : « Et
comment la vois-tu la course, toi, Plouc, avait demandé Bowerman ? – Comme
un œuvre d’art, coach ! Une œuvre d’art ! »
Je ne peux m’empêcher de
retranscrire pour moi-même un passage qui m’a replongé dans un souvenir
personnel alors que je travaillais sur les toits en plein hiver, quand Pete
Miller raconte : « Nous sillonnons le quadrillage des rues
avec nos gilets jaunes, nos lampes frontales, parmi les odeurs des cuisines qui
sortent par bouffées du conduit des hottes aspirantes » un souvenir
mitigé pour moi, qui avait faim depuis quelques heures et qui commençais à peine
à me salir les mains dans le monde du travail, j’aurais tout donné pour le confort de l’attente d’un bon
repas bien au chaud, à la maison.
Pour revenir à la trame du roman
qu’est le sport, la philosophie autour du jogging, chaque lecteur peut transposer
l’expérience de Miller/Charneux pour lui-même, comme lors de ce passage pour moi
qui me suis remis au Vélo de route, sport que je pratiquais assidûment
autrefois : « On n’arrête pas de jouer parce qu’on vieillit, on vieillit
parce qu’on arrête de jouer » il suffirait de remplacer le verbe « jouer » par
le verbe « courir ». (rouler pour moi). Mais aussi la sagesse de l’auteur (je
laisse chacun juger s’il s’agit de Miller ou de Charneux) lorsqu’il écrit :
« Prendre le temps me répétais-je. Profiter de chaque foulée ».
Il y a d’autres similitudes avec
Daniel Charneux pour celles et ceux qui le connaissent un peu lorsqu’on lit ce
passage : « Je me suis dit que mon État était beau, et que je
reviendrais un jour ici, que cette fois, je quitterais la Highway, que je me
lancerais dans la forêt, que j’irais tremper mes mains dans la rivière où je
ramasserais des cailloux plats que j’enverrais ricocher sur l’eau
vive pour les voir y plonger, s’y perdre. » Le tout au conditionnel, symbole de l'espoir et de l'envie de Pete Miller.
Ce récit au travers de ce que fut
la trop courte vie de Pre est un exemple de camaraderie, de fraternité aussi, entre
Pete et ses compagnons de sport. On le constate en lisant cette phrase : « Chacun
y est allé de ses souvenirs. L’être humain est aussi une machine à nostalgie.
Voilà donc le récit de ce que fut
pour moi cette lecture avec pour préambule, une présentation littéraire simple
et décontractée. Comme je les aime. Si j’avais un seul bémol à émettre, c’est
de ne pas en savoir beaucoup plus sur Prefontaine surnommé Pre. Plus d’anecdotes
le concernant lui avec Miller par exemple. Mais ce roman est une réussite
lorsqu’on comprend qu’il s’agit là de se souvenir de l’athlète que fut Pre, sa
philosophie mise en parallèle avec son ami d’autrefois, devenu âgé, mais pas
résigné. Se nourrissant ainsi de la philosophie de son sport plus que de médailles et
autres lauriers. Ce qui manqua à Pre, mais après tout je n’en tire qu’une conclusion :
Ce qui importe ce n’est pas l’issue
de la route, mais ce que fut la route et ce qu’elle nous a apporté.