Avec ce recueil intitulé « Tout pour être heureux » je suis en admiration
de l’histoire qui en découle en premier lieu. Quand j’ai appris que Stefan
Thibeau, féru de lettres, entre autres, avait découvert ce recueil je fus de
suite intrigué. C’est avec une générosité naturelle que ce dernier m’a envoyé
le PDF de sa trouvaille mise en forme et éditée par AUDACE.
Il faut savoir que le poète Raymond Choquet fut un ami du grand Marcel Moreau. Et Moreau avait pour lui une grande affection et une admiration pour ses écrits. Il dit de lui : « Jadis j’avais un ami de la race des Rimbaud, vivant comme Van Gogh ». Pour celles et ceux qui me connaissent je fus happé par cette citation. Plus loin il écrit : « Ne supportait pas ce monde cupide et cynique »…
Marcel Moreau décrira les mots de Choquet comme étant brulants, révoltés, prophétiques… Rien que ça. À l’heure où j’écris ces mots j’ai des questions qui demeurent sans réponses concernant Choquet. Son parcours scolaire, ses ambitions, ses maîtres littéraires, ce qui le rebutait pour que Moreau décrive sa vision du monde comme cupide et cynique…
Depuis
toujours je suis fasciné par ce qu’écrit un écorché vif, un jeune auteur empli,
et de testostérone et de fougue littéraire, avec cette envie maladroite
d’écrire ce qui ne l’a pas encore été… Le résultat est souvent fascinant.
Choquet mettra fin à ses jours en 1966 à Bruxelles dans un appartement qu’il
venait d’emménager grâce à ses parents qui voulaient prouver par-là, que leur
fils avait « Tout pour être heureux »…
C’est à Moreau que les
parents du jeune suicidé confieront des textes et autres papiers ayant
appartenu à leur fils. Moreau était de Boussu et Choquet… de Dour. Il y a des parallèles
qui parfois donnent le vertige… J’ai aussi aimé la comparaison avec ce que
disait et pensait Céline au sujet d’un auteur. Entre autres qu’il fallait
payer, coucher sa peau sur la table. Ci-gît l’auteur…
Écrire n’est pas anodin, écrire avec ses tripes, avec cœur ce qu’on pense être la vérité demande de savoir s’oublier, de ne rien cacher. C’est pour cette raison que Moreau a des mots, des formulations parfois si dure, la plume incisive. Choquet était de sa trempe.
La découverte qui en réalité était celle de Marcel Moreau, enfin
révélée par le biais de Stefan Thibeau, ami des dernières années de Moreau est
une bénédiction pour nous. Le petit recueil est bien construit, mis en
éclairage par Daniel Charneux, auteur de Dour lui aussi et préfacé par Stefan
qui sera le pont entre Choquet, Moreau et nous.
J’ai bien entendu relevé
quelques passages :
Je t’aime comme l’aile de
l’aigle
Aime l’air qui le porte à
travers les surfaces
Le bec cinglant les
gouffres, en sa fierté dément
Sa gloire lui tient lieu.
Ceci me parle
particulièrement :
Je suis malade en
permanence
Quand crient toutes ces
fibres déchirées
Mais ceci est génial :
J’irai voir les filles le
lundi
J’irai jouer le mardi
Je dormirai le mercredi
Je rêverai le jeudi
Je chanterai le vendredi
J’aimerai le samedi
Leur répondit-il
simplement
Jugeant que cet horaire
suffisait amplement
Mais que feras-tu le
dimanche ?
Il n’y avait pas pensé
En résumé cette
découverte et l’histoire qui y est rattachée est très intéressante et ce
recueil mérite d’exister. Non seulement pour rester fidèle à la mémoire de
Raymond Choquet mais aussi pour poursuivre ce que désirait plus que tout Marcel
Moreau l’ami de Choquet.
Le recueil est disponible
aux Éditions Audace et c’est très réussi. Vous pouvez le commander chez eux en cliquant ici : http://www.editions-audace.be/