dimanche 26 septembre 2021

Les possibles de Virginie Grimaldi par Vincent Vallée

 



Les possibles. Il est l'heure de tous les possibles c'est un peu ce que nous apprends ce roman. Mais avant d'entrer dans le vif du sujet j'aimerai écrire pourquoi je me le suis procuré. Nous vivons dans une société qui critique, juge, et ce à tous points de vues. Moi, ce qui me concerne et me parle le plus c'est ce qui touche aux livres donc, évidemment je suis tombé des nues en écoutant un trio de critiques littéraires sur France Inter qui chroniquait "Les possibles" de Virginie Grimaldi. Je ne connaissais pas cette auteure, pourtant la plus lue des français parait-il. Peu me chaut. Ce qui m'a intrigué c'est la virulence des propos de ces critiques sur les ondes. J'en ai lue des chroniques, entendues des critiques mais là ? C'était une pendaison en ligne. Un de ces critiques est allé jusqu'à dire qu'il était à la limite du vomissement... Il ne m'en fallait pas plus pour me procurer ce roman et le tester sur moi.

Alors de quoi parle ce roman ?

D'une jeune femme, Julianne, active, mère de famille, épouse également et qui est appelée un beau jour car la maison de son père vient de prendre feu. C'est le début de tout ce qui sera développé dans le roman. Jean est un original, divorcé de la mère de Julianne. Il possède un caractère folklorique, il aime la musique, les blagues mais depuis peu il y a un invité non désiré : L'oubli.

C'est parce que Julianne doit héberger son père que peu à peu elle va comprendre que quelque chose cloche chez son père. Il est bordélique, il effectue des achats compulsifs via le téléachat, il cherche sans cesse sa carte vitale, recharge son GSM quand il n'est qu'à 85%... Tant de signaux d'alarmes qui font s'allumer tous les voyants de Julianne, qui en hypocondriaque avertie en sait un bout sur ces sujets. Tant de fois elle tentera de se raisonner, de se dire que tout va bien que son père est un peu spécial de toutes façons, loufoque mais quand même, là, ça l'inquiète.

Lors d'un rendez-vous chez le médecin que Jean à consenti à subir l'auteure écrit :

"Aurais-je aimé qu’on me serve un café, qu’on prenne le temps, qu’on enrobe les mots gris dans du papier coloré pour m’apprendre ce que je redoutais ?".

Le verdict est encore incertain mais pas rassurant, Jean à des soucis cérébraux. Mais Jean semble s'en moquer. Julianne sait qu'elle s'inquiète très vite pour tout ce qui touche à la santé, l'auteure décrit son état d'esprit en ces mots :

"Quand les résultats d’une prise de sang, d’un scanner ou d’une échographie attestent qu’elle est en parfaite santé (le cabinet de radiologie pourrait porter son nom), une pulsion de vie intense s’empare d’elle. Le banal devient merveilleux, la vie est une succession de premières fois. Ça doit être formidable de revivre sans avoir à mourir."

Dieu m'est témoin que ce dernier passage me parle, m'émeut même… J'ai passé des heures à m'inquiéter et des jours à jubiler d'une visite rassurante. Jusqu'à la prochaine…

Julianne et sa sœur vivant aux USA vont se rapprocher de leur père. Sans oublier Charlie, son petit fils qui est atteint de dysfonctionnement de la parole. Ce qui n'inquiète guère son papy jean, qui lui, ne pense qu'à permettre à son petit fils de s'amuser, vivre, rigoler. Lorsque Julianne voit son père presque normal au milieu des oublis, des égarements elle réfléchit :

"Les questions s'interrompent, les angoisses s'endorment, demain se suspend et hier s'efface."

Le symptômes se multiplient pourtant, et c'est en se persuadant elle même d'être enfin fixée que des examens complémentaires seront établis. Le résultat apportera la certitude d'une fin de conscience pour Jean, d'une progression rapide de la maladie. Mais ce roman n'est pas que désillusions et tristesse face à la maladie, il y de l'humour également comme dans ce passage :

"Je tente de me rattraper au vide, mes bras y croient encore, mais rien à faire, je suis forcée d'assister, impuissante, au divorce de mes jambes. Chacune part vivre de son côté, se partageant la garde de mon périnée."

Ou encore là :

« OK les gars, on va prendre les instruments qui nous tombent sous la main, batterie, guitare électrique, marteau piqueur, chèvre, on va taper de toutes nos forces en gueulant comme la gamine dans L’Exorciste, et on va en faire un disque. »

La vie va donc être différente pour tout ce petit monde. Julianne va accepter et tenter d'offrir à son père sa vie rêvée, à lui, fan des américains, des cow-boys, des Indiens, c'est aux USA qu'ils vont débarquer, chez sa sœur et permettre à Jean de vivre jusqu'au bout de sa conscience encore vivante. Lors des roads trips, et autres voyages sur la route 66 Julianne pensera :

"Mon père me manque alors qu'il est encore là."

Ou encore :

"On rit comme à tout ce qu'il dit désormais. On a passé des années à lever les yeux au ciel face à ses blagues pas forcément drôles. ET maintenant on les attends, on les espère, on ne veut pas qu'elles disparaissent…"

Julianne et sa sœur vont se rendre compte qu'elles sont passées à côté de leur père durant tant, trop d'années… Son humour, son intelligence, ses passions parfois étranges qui font sa personnalité. Elles qui pensaient n'avoir pu compter que sur leur mère pour être heureuse se souviennent alors que leur père faisait preuve d'une imagination incroyable pour les distraire, les amuser et se dire alors :

"Je m’entends souvent utiliser les mêmes arguments que mes parents, à l’époque où j’étais celle qui grimpait aux arbres. J’écoutais alors d’une oreille les « et si tes copains te disent de sauter d’un pont, tu vas le faire ? », « on s’en fiche des autres, là on parle de toi », « qu’est-ce qu’on dit ? », « c’est Versailles ici ? », sans me douter que la parentalité était un éternel recommencement."

J'ai été juste ennuyé par un passage que je connais trop bien pour ce qu'il procure, le voici :

"Je pense que l’on peut ralentir l’évolution. Mais cela semble être dégénératif. Je caresse le bras de mon père. Il ne réagit pas."

Cet accès de compassion qui semble exagéré me fait horreur, cette compassion facile quand on n'est pas dans la merde m'exaspère au plus haut point, c'est du vécu"

Mais bon sang, que ce livre est beau, touchant, émouvant, drôle, instructif. Perdre un être alors qu'il est encore vivant c'est dur, difficile. Le voir s'en aller tout en étant bien vivant c'est atroce, cruel. Et Virginie Grimaldi nous le décrit fort bien et avec brio, tournures de phrases sympas et avec profondeur. Ce qui me renvoie au début de ma chronique, ces critiques littéraires ou encore les autres élites auto-proclamées de la littérature. Quel reflux gastrique cette critique sur les ondes, quelle honte, il y avait là une envie compulsive et haineuse de dire du mal, de la jalousie, de la verve baveuse. Vous faites honte à la littérature, vous salissez des millions de lecteurs et lectrices par une pseudo critique qui en réalité n'était qu'une condamnation, une pendaison. Mais c'est raté. Raté car d'autres comme moi, vous ont écouté et sont à même de vouloir comprendre plutôt que de croire comme des moutons. J'ai écouté, j'ai acheté, j'ai lu et je suis convaincu. En effet je lirai d'autres romans de l'auteure Virginie Grimaldi. Pauvres gens que vous êtes, je n'ai qu'une envie : Me lever à votre table, grimper dessus et pisser sur vos écrits, sur vos critiques ! Comme le fit Arthur Rimbaud avec les élites. Vous élites auto-proclamés vous êtes mes Carjat et ma chronique est le coup d'épée que je vous envoie, ivre d'avoir lu un si profond roman!

Juste pour vous, la chronique de France Inter à écouter tout en bas de page :

https://www.franceinter.fr/livres/les-possibles-de-virginie-grimaldi-le-masque-la-plume-s-attendait-a-tout-sauf-ca


D'autres passage qui m'ont interpellés :

"Les néons des salles d’attente médicale font danser la peur dans les yeux."



"Il en a été très malheureux, je crois qu’il enterrait surtout l’espoir de recevoir quelques miettes d’amour."



"Je mange des légumes pour aller bien, je bouffe des frites pour aller mieux."


C’est déchirant de conjuguer son père à l’imparfait."


"Quand les parents ont divorcé, elle avait sept ans. Elle a pleuré fort, moi j’ai pleuré dedans."


"Je pense que l’on peut ralentir l’évolution. Mais cela semble être dégénératif. Je caresse le bras de mon père. Il ne réagit pas." 


"Seules deux personnes au monde sont capables de m’anéantir en une seule remarque : ma mère et mon père. Chaque infime critique, si bienveillante soit-elle, remet en question tout mon être. Je suis un château de cartes face à eux, je ne supporte que leur tendresse. Qu’ils soufflent le tiède et je m’écroule. Ils peuvent m’abreuver de compliments, si au milieu se glisse un bémol, c’est lui que j’entendrai. C’est le privilège des parents, leurs mots comptent triple. C’est pire encore quand leurs mots disent la vérité."


L'auteure :




Virginie Grimaldi est née en 1977 à Bordeaux où elle vit toujours.

Traduits dans plus de vingt langues, ses romans sont portés par des personnages attachants et une plume poétique et sensible. Ses histoires, drôles et émouvantes, font écho à la vie de chacun.





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