Nicolas
Sarkozy, condamné. Coupable ?
Billet
d’humeur du romancier Vincent Vallée
Une condamnation qui interroge
Nicolas Sarkozy a été condamné à
cinq ans de prison, dont une partie ferme, pour association de malfaiteurs dans
l’affaire du financement libyen.
Décidément, la Libye reste pour
lui une épine dans le pied.
En 2011, il avait contribué à
faire tomber un régime, comme les Américains l’avaient fait en Irak : au nom de
la démocratie, mais au prix du chaos.
Aujourd’hui, c’est peut-être ce
passé-là qui le rattrape.
Guerre, argent, influence,
pouvoir ; autant de mots qui s’entremêlent dans ce dossier où tout semble
flou, sauf les conséquences : un pays détruit, une population livrée à
elle-même, des enfants qui paient encore les erreurs des adultes.
Et si, au fond, Sarkozy payait
symboliquement le prix de cette chute, celle de Kadhafi d’abord, puis la sienne
?
Après de multiples convocations,
comparutions et recours, puis la pose d’un bracelet électronique, la sentence
est tombée : prison ferme pour un ancien président de la République.
Et la justice de mettre sous les
verrous – certes dorés – celui qui fut chef de l’État.
Bien entendu, la justice est
indépendante.
Mais dans ce cas précis, peut-on
réellement parler d’impartialité lorsque la présidente du tribunal, Nathalie
Gavarino, avait, dix ans plus tôt, manifesté contre la politique du prévenu
?
Un article d’Europe1 rappelait
qu’en 2011, alors représentante du syndicat Union Syndicale des Magistrats à
Nice, elle avait pris part à une manifestation dénonçant la politique
sécuritaire du président Sarkozy.
Des soupçons sans preuve
Il lui est reproché d’avoir reçu
du régime libyen jusqu’à 50 millions d’euros, alors qu’une campagne
présidentielle dite « classique » nécessite environ 20 millions pour être
correctement financée.
Cependant, le tribunal a reconnu
qu’aucune preuve directe n’établissait que Sarkozy ou ses collaborateurs
aient reçu cet argent.
Aucun virement. Aucune valise.
Rien.
Et pourtant, la condamnation
tombe : cinq ans de prison.
Sur la base de quoi ? De
présomptions ? De soupçons ?
Un tribunal peut-il enfermer un
homme, fût-il ex-président, sur la seule foi de probabilités ?
La justice ne devrait-elle pas
relaxer lorsqu’elle ne peut prouver ?
Chacun restera libre de croire en
la culpabilité de Nicolas Sarkozy.
Surtout celles et ceux qui voient
un lien de cause à effet entre sa chute et celle du dictateur Kadhafi, il n’y a
pas de fumée sans feu, dit-on. Et, depuis quelque temps, ça fume beaucoup
autour de l’ancien président français…
Il faut s’interroger, et je
m’interroge moi-même, quand bien même j’admire l’orateur, la bête politique
qu’il fut, et sa force de persuasion.
Serait-ce justement cette force,
cette capacité à convaincre et à séduire, qui pousse certains à douter de sa
sincérité ? Ou bien, au contraire, est-ce ce charisme qui nourrit l’acharnement
judiciaire dont il ferait l’objet ?
Mais, factuellement, il reste
difficile d’ignorer que le dossier demeure fragile, et que le principe de
présomption d’innocence en sort sérieusement ébranlé.
Témoins contradictoires et
rumeurs persistantes
En 2016, Ziad Takieddine,
homme d’affaires franco-libanais, avait déclaré avoir « remis jusqu’à cinq
millions d’euros en espèces depuis Tripoli à Sarkozy et à son chef de
cabinet ».
Pourtant, en 2020, il est revenu
sur ses propos, parlant d’une erreur et retirant ses accusations.
Un revirement spectaculaire, qui
aurait dû fragiliser le dossier.
Pourquoi, dès lors, continuer à
s’appuyer sur les déclarations d’un témoin aussi contradictoire et instable ?
La presse, la justice et la
vérité
En 2012, le site Mediapart
publiait un document présenté comme émanant des services libyens, affirmant que
Kadhafi avait accepté de financer la campagne de Sarkozy à
hauteur de 50 millions d’euros.
Sarkozy a crié
au faux.
Des expertises ont suivi.
Résultat : le document présentait
« les caractéristiques d’un écrit officiel », mais aucune preuve du versement
des fonds n’a jamais été apportée.
« Ce n’était pas un faux, mais ce
n’était pas non plus une preuve. »
Entre ces deux vérités, l’opinion
se perd.
L’homme derrière le procès
Sarkozy reste
une figure forte, charismatique, clivante sans doute, mais indéniablement
capable.
Il affirme, avec ce ton qui
n’appartient qu’à lui, qu’il n’avouera jamais ce dont il n’est pas coupable.
Amoureux des mots et des livres,
il emporte avec lui deux volumes symboliques : une biographie de Jésus et Le
Comte de Monte-Cristo – deux figures de condamnés injustement accusés, et
qui finissent par revenir plus forts.
Dans une émission littéraire, il
confiait son admiration pour Céline, et notamment pour Voyage au bout
de la nuit, que je vous invite à lire ou relire.
Son ouvrage Promenades,
que j’ai particulièrement apprécié, partage cette même passion pour la culture,
librement, sans arrogance.
Orateur redoutable, esprit vif,
il reste l’un des rares politiques français capables de captiver, de provoquer,
d’émouvoir même.
Et maintenant ?
Un homme, fût-il ancien
président, ne reste-t-il pas un justiciable comme un autre ?
Faute de preuve, devait-il être
condamné ?
La justice, avec si peu
d’éléments tangibles – un témoin contradictoire, un document contesté, aucun
fonds retrouvé, n’aurait-elle pas dû prononcer un non-lieu ?
A-t-elle voulu aller trop loin
pour préserver son image ?
Ou bien la presse, à force
d’enquête, a-t-elle fini par influencer la balance ?
Et si, un jour, une autre vérité
éclatait ?
©Vincent Vallée
https://vincentvallee.blogspot.com




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