Le dernier enfant de
Philippe Besson
Je viens de terminer
cette lecture, courte, un peu à la façon d’Amélie Nothomb, mais efficace.
Besson nous plonge à nouveau au cœur de l’intime, du sentiment pudique, personnel. Cette fois il s’agissait pour lui d’imaginer, car l’auteur n’est pas parent. Et c’est là qu’entre en compte le talent d’un auteur qui est de se mettre dans la peau de… Besson y arrive fort bien.
C’est dans la peau d’Anne-Marie que nous allons plonger avec lui dans une histoire que nous avons, ou allons un jour connaître, personnellement ou de loin d’ailleurs. Le départ du dernier enfant.
Quand on passe une partie de sa vie à éduquer des enfants on a des habitudes, des routines, des repères qui une fois qu’ils s’en vont, disparaissent de manière brutale. Anne-Marie voit partir Théo pour un kot dans une grande ville, loin du petit pavillon familial qu’ils ont durement aménagé, rempli, payé…
Un pavillon emménagé par des
réprimandes maternelles, des leçons de vie, un pavillon qu’elle et son mari
Patrick ont empli de savoir-vivre et d’amour aussi, même si chez eux l’amour
est souvent silencieux… Et quand elle y songe, Anne-Marie trouve que la départ
de Théo, son petit dernier, est une note bien plus salée que l’emprunt
contracté pour payer des briques…
Pour cette lecture, que j’ai
dévorée, je suis partagé entre l’histoire qui me parle, le talent de son auteur
pour s’être glissé dans une peau totalement inconnue et un
manque d’ouverture à celle-ci. J’aurais bien aimé avoir le point de vue du
père, Patrick, mais aussi de Théo, le fils. Aussi, pour la première fois avec
Besson, j’ai noté des maladresses éditoriales, ça c’est dommage…
Néanmoins, un frisson m’a
parcouru à la lecture de la dernière ligne, tant cette histoire est émouvante.
Elle touche d’autant plus, si on est papa ou maman d’enfants qui sont partis ou sont
sur le point de s’en aller pour voler de leurs propres ailes.
J’ai relevé quelques
passages :
« Elle joue les
mères : « Vous n’avez pas trop bu, j’espère. » Et aussitôt, elle s’en veut
d’avoir prononcé cette phrase, qui fait d’elle quelqu’un de démodé et
d’assommant, et qui est tellement machinale, tellement automatique mais
précisément, le réflexe l’a emporté, la phrase est sortie, désormais c’est trop
tard. »
« On va t’aider à
dépaqueter, c’est mieux. » Personne n’objecte. On ne va pas contre le chagrin
inavouable d’une mère. »
« La vérité, c’est
qu’elle pense à tout ce qui se joue en dehors d’elle, tout ce dont elle est
exclue, tout ce que son fils ne lui confie pas, parce qu’un garçon de cet âge
parle avec ses amis, pas avec ses parents, elle songe que son fils cloisonne
naturellement son existence et que désormais elle se tient du mauvais côté de
la cloison, elle songe que, jusqu’à une période récente, elle savait tout et
que désormais elle ne sait plus grand-chose, elle partageait l’essentiel et
désormais elle n’a plus droit qu’à l’accessoire, elle n’en est pas jalouse, ce
n’est pas ça le sujet, elle en est chagrinée… »
« … avait quoi ?
vingt ans ? quand sont apparues les Game Boy. Trop tard pour elle, en tout cas.
Elle avait déjà quitté l’adolescence, elle ne s’était pas sentie concernée, et
puis c’était un truc de garçon. »
« Mais « elle n’a pas oublié la
folie qui entourait ces nouveaux engins. Elle avait compris alors que le jeu,
la distraction, ça ne se ferait plus à plusieurs, ni même à deux, que se
dessinait quelque chose qui avait à voir avec la solitude. »
« les saisons qui
passent et qui reviennent, les années qui passent et ne reviennent pas, et
voilà qu’elle a cinquante ans. »
« y a forcément des
trucs qu’elle a oubliés, d’autres qu’elle a ratés, elle ne lui a pas fourni
toutes les armes, parce que, des armes, on en a besoin quand on entre dans la
vie, c’est une bataille hein, il ne faut pas croire, une sacrée bataille, si
elle avait disposé de plus de temps elle aurait… »
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