vendredi 17 janvier 2025

Vous parler de mon fils de Philippe Besson par Vincent Vallée


Je viens de terminer ce roman et il m'a fallu seulement trois jours pour le dévorer, tant cet ultime ouvrage de Philippe Besson est un véritable choc.

Après avoir récemment parcouru quelques livres plutôt banals et ennuyeux, retrouver la plume et le style inimitables de Besson, avec son sens aigu de la formulation, est un véritable cadeau littéraire.

Cette fois, l'écrivain aborde le thème du harcèlement, une expérience qu'il a lui-même vécue à l'école en tant qu'homosexuel, mais à une époque où, une fois rentré chez soi, l'enfer s'arrêtait. De nos jours, le harcèlement - qu'il s'adresse aux personnes obèses, aux bègues, aux studieux ou aux homosexuels - persiste, ne s'interrompant même pas la nuit. Ce phénomène est largement alimenté par les avancées technologiques, Internet et les réseaux sociaux.

Le récit se concentre sur Hugo, un adolescent de 14 ans, grand et mince, qui commence tout juste à découvrir son attirance pour les garçons. L'école, sensée être un lieu d'apprentissage et de sécurité, s'est transformée pour lui en un véritable enfer. Pourtant, Hugo choisit de se taire.

Cependant, malgré son malheur, Hugo a la chance d'avoir une mère attentive et protectrice qui va rapidement réaliser que son fils aîné souffre. Elle observe son fils se faire chahuter par d'autres élèves à l'entrée de l'école.

Finalement, Hugo ne peut plus rester silencieux. Poussée par son instinct, la mère inquiète le père de Hugo, qui avait jusqu'alors adopté une attitude prudente. ils poussent leur fils à se confier et à raconter tout ce qu'il endure : les bousculades, les insultes, les coups, l'humiliation, les menaces... rien ne lui est épargné.

Le récit est également teinté de la perspective du père, sachant dès le début du roman que Hugo a décidé de mettre fin à ses jours, épuisé et désespéré par une vie si courte.

Après avoir été prudent et raisonné, le père commence enfin à comprendre la détresse de son fils. Avec son épouse, il met tout en œuvre pour soutenir Hugo, le conseiller et le rassurer. Mais face à l'absence de changement et au désespoir que ressent sa femme, il décide d'affronter le directeur de l'école.

Ce moment met en lumière l'échec d'une hiérarchie scolaire, où ils se retrouvent face à un homme pathétique, obtus et inconscient. Comment peut-on rester indifférent face à l'appel à l'aide de deux parents désespérés ?

Ce roman m'a profondément ému, et même déprimé, car en tant que père, comment ne pas se projeter et envisager la douleur de perdre un enfant à cause de la cruauté de quelques individus ?

Tout au long de ma lecture, j'ai ressenti de la frustration envers le père, j'ai trouvé la mère trop oppressante, j'ai eu envie de secouer Hugo, et de la peine pour son petit frère, si proche de lui. Ma colère s'est dirigée vers le système et un profond dégoût envers les harceleurs.

Le point de vue du père est précieux, car il est souvent oublié. Un père, c'est aussi celui qui prépare des biberons, qui se lève la nuit et qui s'inquiète au travail si son enfant ne va pas bien. Besson illustre ici la maladresse de la paternité, car qui possède réellement le manuel du parent parfait ? 
Comment vivre après le suicide de son fils ? Peut-on vraiment pardonner ? Pour ma part, je ne le pense pas...

Merci, Philippe Besson, pour cet éclairage sur cette cause à défendre, pour cette lutte contre la bêtise et la cruauté. Je pense à tous les Hugo...



J'ai retenu quelques phrases : 

"Tu sais, être heureux ce n'est pas une chose compliquée, c'est être tranquille."

"Les disparitions prématurées nous apparaissent toujours comme une injustice. On se dit : il restait tant à vivre, tant de choses à accomplir, tant de territoires à découvrir, tant d'expériences à mener, tant d'erreurs à commettre, tant de rires et de larmes, tant de divertissement et d'ennui, tant de victoires et de défaites, tant d'espoirs et de désillusions, et soudain, plus rien, plus rien du tout."


L'auteur :



mercredi 15 janvier 2025

Le corps de Stephen King par Vincent Vallée


Bon sang que j'aime la plume du King... Et puis cette nouvelle, "Le corps" écrite durant les années 80, est un hymne à l'amitié, à l'enfance, à la complicité entre potes.

J'ai entendu ou lu qu'un homme passe sa vie à chercher l'enfant qui est en lui, mais aussi qu'un homme à accompli tous ses rêves avant 17 ans mais ne le sait pas...

J'y crois, et cette nouvelle du King ne dément pas ces citations. Une nouvelle adaptée au cinéma avec River Phoenix entre autres dans "Stand by me". Avant de vous faire mon compte rendu je précise avoir appris que cette nouvelle est la plus autobiographique du King, Gordon Lachance (Gordie) c'est lui même, Stephen King, et cette histoire ce sont ses souvenirs d'enfance, celle qu'il passe sa vie à chercher...


Gordon Lachance écrit en quelque sorte les mémoires de son enfance ou du moins l'épisode qui le marquera à vie. Gordie est privé de son frère depuis quelques mois à peine, mort dans un accident, quand nous faisons sa connaissance. Il aime traîner avec ce que ses parents appellent des "ratés". Il y a Teddy, le pote un peu déjanté, pas net qui, en réalité, est le fils d'un vétéran qui a laissé ses neurones au champs de bataille. Pour preuve, l'oreille cramée de Teddy sur le poêle brulant dans une des crises de boissons de son paternel. Teddy est bigleux aussi, ça n'arrange rien... Ensuite il y a Vern, le plus couillon des quatre, le moins audacieux dirons nous, Gordie le narrateur, le plus calme, posé qui aime écrire des histoires et les raconter à ses potes qui l'écoutent bouche grande ouverte. Et pour terminer Chris, le plus dur, le meneur qui vit dans un contexte plus lugubre, avec un père ivre la plupart du temps, un frère en prison, un autre pas bien loin d'y aller... Chris est le plus proche de Gordie.

Un beau jour, en cherchant son pot de monnaie sous la véranda, Vern va entendre son frangin parler du cadavre d'un gosse porté disparu depuis quelques jours, il serait dans les bois, ou pas bien loin de la voie ferrée à 50 km de Kastelrock. Vern va vite rejoindre ses trois potes dans la cabane qu'ils ont construites dans un arbre, leur repère, et raconter ce qu'il vient d'apprendre. Aussitôt, les quatre potes vont tomber d'accord et partir à la recherche du corps de Brower, le gamin porté disparu et se mettre en tête de le ramener afin de faire la UNE des journaux !

C'est au travers d'une balade de 50 km que nous allons mieux découvrir la complicité, l'amitié entre les quatre amis. Ils feront la connaissance de Chopper, le chien monstrueux qui garde la casse où ils vont se ravitailler en eau. "Chopper choppe les !"

Ils vont devoir faire face à la folie de Teddy difficile à contrôler parfois. Se retrouver sur une voie ferrée sur un pont enjambant une rivière et fuir un train à leur trousses et tant d'autres aventures avant de retrouver le corps ?

Ce qui est le plus frappant, marquant, c'est la différence sociale qu'on comprends entre Gordie et ses amis, surtout Chris qui est son meilleur ami. On sent que Chris aide Gordie sans le savoir, à surmonter la mort de son frère aîné. Au travers de sa différence sociale comme on dit, Chris est très conscient de ses limites à l'école et de son contexte familial et va souvent être celui qui va conseiller Gordie. Comme l'aurait fait le frère de Gordie... 

Stephen King a écrit là une pépite, ses mémoires d'ado et s'est fait plaisir on le ressent. C'est le Gordie adulte et devenu écrivain qui écrit son histoire et celle d'un week-end à la recherche d'un corps, celui d'un gamin de leur âge, sûrement percuté par un train.

Je ne peux vous quitter sans vous partager quelques passages de cette nouvelle magnifique :


"Mes couilles sont remontées si haut que je croyais qu’elles voulaient rentrer à la maison".


"Les autres enviaient ma façon de battre, et tous ceux que je connaissais m’avaient demandé de le leur montrer… sauf Chris. Je suppose qu’il était le seul à comprendre que c’était comme de distribuer des morceaux de Dennis, et j’en avais si peu que je ne pouvais pas me permettre de les donner."


"Nous nous sommes regardés dans les yeux un instant, y voyant certaines de ces choses qui font les vrais amis."


"Tout était là, autour de nous. Nous savions exactement qui nous étions et où nous allions. C’était génial."


"Me voilà essayant de revoir cette époque à travers un clavier d’IBM, de me rappeler le meilleur et le pire de cet été vert et brun, et je peux presque sentir le garçon maigre, couvert d’éraflures, encore enfoui dans ce corps vieillissant, entendre à nouveau les chansons et les bruits."


"Ouh, merci papa. – Putain, je voudrais bien être ton père ! » Chris était en colère. « Tu ne parlerais pas un peu partout de t’inscrire à ces conneries de cours de commerce si je l’étais ! C’est comme si Dieu t’avait fait un don, toutes ces histoires que tu peux inventer, et qu’il t’avait dit : Voilà ce qu’on a pour toi, môme. Essaye de ne pas le perdre. Mais les mômes perdent n’importe quoi quand il n’y a pas quelqu’un pour veiller sur eux, et si tes parents sont trop baisés pour le faire alors ça devrait peut-être être moi. »


"On écrit des histoires pour une seule raison, pour comprendre son passé et se préparer à une mortalité future."


"Les choses les plus importantes sont les plus difficiles à dire."


 "Il avait pu mourir tout simplement parce qu’il avait trop peur pour continuer à vivre."




jeudi 9 janvier 2025

Le singe suivi du Chenal de Stephen King par Vincent Vallée

 



L'année a débuté sous de bons auspices, avec Stephen King et deux de ses nouvelles à découvrir. J'ai toujours eu un faible pour ses récits courts ! Cette fois-ci, c'est à travers un jouet, un singe, que King parvient à nous plonger dans l'angoisse.


Hal se débarrasse de ce jouet, ce singe qui, une fois ses cymbales frappées, préfigure le désastre... C'est dans le grenier de son enfance qu'il a découvert ce jouet maléfique. De retour dans la maison familiale, le jouet, disparu et apparemment perdu au fond d'un puits, est retrouvé par le fils de Hal. Et la malédiction reprend alors son cours...


En revanche, "Le chenal" m'a moins convaincu. King, dans son ouvrage "Écriture", affirme qu'il ne faut pas sous-estimer le lecteur et conseille de réduire de 10 % les détails superflus d'un texte. Pourtant, dans "Le chenal", il semble faire tout le contraire. Ce récit évoque la fin de vie de Stella, qui, après avoir passé plus de 90 ans d'un côté du chenal, réalise qu'elle n'a jamais exploré l'autre rive. Lorsqu'elle décide enfin de franchir le pas, c'est pour le faire de manière déterminée...


Le récit est long et trop riche en descriptions, donnant l'impression d'entrer dans une histoire au milieu de son développement. C'est ma première déception avec King, il fallait bien qu'elle arrive un jour, n'est-ce pas ?