Je suis un adepte des nouvelles, j'aime en écrire parfois, mais celle-ci...
Je ne sais que dire car je rédige cette critique à chaud, je viens de finir cette lecture et je suis songeur. Stefan Zweig écrit là un véritable hymne à l'amour sincère, dévoué, un amour soumis. Ce genre d'amour qu'on ressent une et une seule fois dans une vie selon-moi et encore, cette intensité décrite ici est à mon avis très rare.
Une jeune fille issue d'une famille modeste va voir emménager près de chez elle, sur le même palier, un écrivain. celui-ci succédant à des voisins tapageurs. Cet écrivain, elle l’idolâtre avant même qu'il ne soit installé, sans l'avoir vu. Jeune fille, elle s'imagine un homme empli de charisme, barbu et de grande tenue.
Lorsque enfin elle l'aperçoit, il est tout autre, il est jeune, pétillant, fougueux,
C'est ainsi que petit à petit elle va s'éprendre de l'écrivain, c'est tout d'abord de l'attirance infantile, puis de l'admiration qui se transformeront en amour, un amour sincère, profond, dévolu mais... secret.
En effet, la jeune fille est amoureuse, l'écrivain lui, passe son temps normalement et reçois régulièrement des dames chez lui, brisant ainsi le coeur de notre jeune fille. Il la croisera pourtant mais elle est si jeune, il ne peut alors se douter de l'admiration qu'elle lui voue.
Mais qu'es-tu pour moi, toi qui jamais ne me reconnais, toi qui passes à côté de moi comme on passe au bord de l'eau, toi qui marches sur moi comme sur une pierre, toi qui toujours vas, qui toujours poursuis ta route et me laisses dans l'attente éternelle ?
Un jour la jeune fille apprend que sa mère ayant fait la connaissance d'un homme qui deviendra son beau-père, envisage de déménager, c'est même déjà décidé. Le coeur de la jeune fille se brisera, elle tentera d'approcher l'écrivain poussée par le désespoir mais il ne sera pas chez lui, alors elle l'attendra devant la sortie de chez elle, derrière la porte, toute la nuit, couchée comme un chien guettant le retour de son maître. Gelée, les membres douloureux, elle patientera jusqu'à ce qu'elle l'entende rentrer à pas feutrés, il ne sera pas seul et ses espoirs de lui dire toute son admiration, son amour avant de quitter la ville sera éteint.
Durant cet exil, elle ne cessera de penser à lui, s'interdisant toute relation amoureuse. Un beau jour elle décidera de rentrer, de revenir près de son bien aimé comme elle l'appelle sans cesse dans sa longue lettre. Elle est adulte et jolie alors, elle l'attendra, guettant ses fenêtres comme autrefois elle le faisait par le biais du juda de sa porte. Et puis un soir, elle le rencontrera enfin...
Je regardais là-haut, toujours là-haut : là il y avait de la lumière, là était la maison, là tu étais, toi mon univers.
Cette nouvelle est une lettre envoyée par la jeune fille devenue adulte, restée silencieuse sur cet amour qu'elle porte à son bien aimé. La raison de cette lettre, c'est la mort, celle qui rattrape toujours les êtres, celle qui pousse à avouer ses secrets les plus enfouis.
Un enfant est mort, son enfant, leur enfant...
"Maintenant, maintenant il va me reconnaître", me disais-je, frémissante et tendue de tout mon être. Mais tu ne répondis que par un sourire et tu déclaras pour me consoler : "Mais on revient toujours.
- Oui répliquais-je, on revient, mais on a oublié."
Il ne reste alors plus aucun espoir à la jeune fille, rien qui la rattache un peu à la vie et elle sait son heure proche devant cet enfant allongé, gardé par des cierges funèbres, il est temps pour elle de confier son amour à son bien aimé, c'est tout ce qui lui reste, il est tout ce qui a existé de véritable dans sa vie.
Pour ce faire, elle lui écrit une longue lettre que l'écrivain lira à coté d'un vase vide des roses qu'il recevait chaque année pour son anniversaire.
Quelle leçon d'amour cette nouvelle, quel style ce Zweig, je le découvre et je suis séduit.
Stefan Zweig:
Stefan Zweig est un écrivain, dramaturge, journaliste et biographe autrichien.
Avant la première guerre mondiale, il voyage beaucoup en Europe, à la découverte des littératures étrangères. Il sera notamment le traducteur en allemand de Verhaeren.
Il s'engage dans l'armée autrichienne en 1914 mais reste un pacifiste convaincu. Durant la guerre il s'unit avec d'autres intellectuels, comme Sigmund Freud, Emile Verhaeren et Romain Rolland dans un pacifisme actif. Les souffrances et la ruine dont il est témoin le renforcent dans sa conviction que la défaite et la paix valent mieux que la poursuite de ce conflit.
Sa vie est bouleversée par l'arrivée d'Hitler au pouvoir. Effondré par l'anéantissement de ses rêves pacifistes et humanistes d'union des peuples, il se donne la mort, s'empoisonnant au Véronal avec Lotte Altmann, sa seconde épouse.
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