L’ami
Georges
Un amoureux de l’art, un
peintre, un petit peintre se trouvait là, parmi d’autres, assis sur un
tabouret. Disposés devant lui, sur des chevalets bancals, des toiles, allant de
la plus petite à la plus grande, de la plus médiocre jusqu’à la plus réussie.
Les badauds se succédaient, eux aussi multiples dans leur éventail.
Georges les regardait
parfois s’ils s’arrêtaient, mais peu étaient intéressés par sa peinture, et
pourtant, il y avait mis tant de cœur, tant d’heures de travail, de sommeil, de
réflexions. Dire que personne ne s’y intéressait serait faux, très souvent on
le flattait, le félicitait, mais peu lui en achetait.
Ce jour-là, vers 15 h,
un homme accompagné d’un ami, supposa Georges, arriva près de ses toiles et le
sourire affiché, les yeux pétillants, il les admira, admirer est un bien faible
mot, en effet, il était en extase. Passons donc les qualificatifs élogieux et
autres flatteries du même genre, retenons que Georges les entendit tous.
L’homme voulait tout prendre en photo, attention pas de la simple photo, non,
des photos haute qualité, car, l’homme accompagné d’un imprimeur, était selon
ses dires, en quête de talents afin d’imprimer un catalogue mettant en avant
les artistes, les vrais ! Que de beaux mots, que d’éloges reçut notre cher
Georges en quelques minutes ! Il permit néanmoins à l’homme de prendre quelques
photos. Prise de recul, angles différents, le show était lancé. Georges lui,
doutait.
Une fois rentré à la
maison, et quelques toiles vendues tout de même, Georges s’installa devant son
ordinateur, ouvrit sa boîte mail et là, un mail de l’homme souriant, un peu
trop… Georges lui avait laissé son adresse mail, car se retrouver dans un
catalogue avec des photos haute qualité de ses toiles, ça pourrait booster ses
ventes. Alors soyons clair, Georges s’en fichait un peu de « vendre » ce qui
l’intéressait c’était de partager, de susciter de l’intérêt, mais les
brocantes, les petits salons artistiques ce n’était pas suffisant, il était
loin le temps de Montmartre et de la place du Tertre où tout artiste arrivait à
se faire un semblant de nom dans l’art, et puis quelques sous. Alors ma foi, un
catalogue pourquoi pas ?
De mail en mail, de
propos élogieux en autres flatteries à peine exagérées, voilà que notre ami
Georges, peintre modeste mais ambitieux, signe un contrat de publication de ses
toiles pour un catalogue haute qualité ! Ah, mais quel homme courageux ce
Georges qui se rend à de multiples expositions, salon des arts, même des
brocantes ! Tout est bon pour se faire connaître ! L’homme lui lança ces
quelques phrases, car pour diffuser ce catalogue il fallait aussi lui en
acheter, eh bien oui, ça allait multiplier les chances, bien entendu…
Toujours soucieux, mais
conforté par des propos rassurants et toujours autant de flatteries, Georges
suivra finalement l’homme, qui depuis quelques mails, se présentait comme un porteur
de rêves, un passeur d’art… Ah la jolie formule n’est-ce pas ? Georges était convaincu,
car toute la batterie de propos persuasifs était utilisée. L’art, la profondeur
de l’art, ce que recèle un peintre, un vrai, les messages qui passent dans une
toile. L’homme, s’y connaissait c’était certain ! Un passionné, un vrai quoi !
Georges reçut sa commande
de catalogue, il l’ouvrit et là, stupéfaction ! Le catalogue était rédigé
en diagonale dans le sens où aucune règle de bases n’étaient respectées, les
photos ? N’en parlons pas… Ou plutôt si, floues pour certaines, mal cadrées
pour d’autres, retouchées et faussant ainsi la couleur des toiles qui
semblaient presque malades… Ah ! Georges l’avait senti, il avait eu dès le
départ des doutes concernant l’homme. Le porteur de rêves et passeur d’art
était tout bonnement, un escroc. La flatterie ? Il y en avait trop, pour
qu’elle soit sincère. Les connaissances en art s’avérèrent être trop
répétitives que pour être sincères, plutôt calculées pour le « paraître ».
Georges n’allait pas en
rester là, il allait pousser son coup de gueule et dire au porteur de rêve et
passeur d’art ce qu’il pensait de lui. Oulah… quelle erreur ! Le monstre allait
surgir, bondir, sortir les crocs et les ergots. Comment pouvait-on ainsi
dénigrer tout ce qui avait été fait, dit, avancé ! L’homme était furibond et
menaçant envers notre Georges.
L’ami Georges fut blessé,
touché par tant de haine et de mépris, il dut faire face à l’horreur et se dit
que finalement, une toile un peu gauche, avec quelques défauts c’est beau… Car
une toile retouchée pour masquer les erreurs, les défauts, c’est tricher et
mentir. L’homme, ce porteur de rêves et passeurs d’art n’était finalement, qu’un
porteur d’ennuis et un passeur d’objectifs cupides. Georges prit du recul et ferma
sa vie à l’homme cupide, et put ainsi respirer sans oppression, faux semblants,
et tout ce qu’il y a d’horrible chez l’être humain. Le cauchemar était fini. Georges
avait appris une chose durant sa vie : C’est que justement, la vie d’un
homme n’appartient à quiconque sauf à lui. Il en détient les clefs, il fait
entrer qui il veut et jette dehors qui il veut, il a les clefs.
Morale :
Avant d’entrer dans la
vie d’un homme, essuyez-vous les pieds, soyez vous-même, respectez-le,
acceptez-le, ne mettez pas de désordre et soyez en toutes circonstances, respectueux
de l’accueil qui vous est fait, sinon ? Sortez, et ne revenez surtout
jamais plus, vous ne détenez pas les clefs de la vie d’autrui.
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