samedi 19 janvier 2019

L’ami Georges par Vincent Vallée



L’ami Georges

Un amoureux de l’art, un peintre, un petit peintre se trouvait là, parmi d’autres, assis sur un tabouret. Disposés devant lui, sur des chevalets bancals, des toiles, allant de la plus petite à la plus grande, de la plus médiocre jusqu’à la plus réussie. Les badauds se succédaient, eux aussi multiples dans leur éventail.
Georges les regardait parfois s’ils s’arrêtaient, mais peu étaient intéressés par sa peinture, et pourtant, il y avait mis tant de cœur, tant d’heures de travail, de sommeil, de réflexions. Dire que personne ne s’y intéressait serait faux, très souvent on le flattait, le félicitait, mais peu lui en achetait.

Ce jour-là, vers 15 h, un homme accompagné d’un ami, supposa Georges, arriva près de ses toiles et le sourire affiché, les yeux pétillants, il les admira, admirer est un bien faible mot, en effet, il était en extase. Passons donc les qualificatifs élogieux et autres flatteries du même genre, retenons que Georges les entendit tous. L’homme voulait tout prendre en photo, attention pas de la simple photo, non, des photos haute qualité, car, l’homme accompagné d’un imprimeur, était selon ses dires, en quête de talents afin d’imprimer un catalogue mettant en avant les artistes, les vrais ! Que de beaux mots, que d’éloges reçut notre cher Georges en quelques minutes ! Il permit néanmoins à l’homme de prendre quelques photos. Prise de recul, angles différents, le show était lancé. Georges lui, doutait.

Une fois rentré à la maison, et quelques toiles vendues tout de même, Georges s’installa devant son ordinateur, ouvrit sa boîte mail et là, un mail de l’homme souriant, un peu trop… Georges lui avait laissé son adresse mail, car se retrouver dans un catalogue avec des photos haute qualité de ses toiles, ça pourrait booster ses ventes. Alors soyons clair, Georges s’en fichait un peu de « vendre » ce qui l’intéressait c’était de partager, de susciter de l’intérêt, mais les brocantes, les petits salons artistiques ce n’était pas suffisant, il était loin le temps de Montmartre et de la place du Tertre où tout artiste arrivait à se faire un semblant de nom dans l’art, et puis quelques sous. Alors ma foi, un catalogue pourquoi pas ?

De mail en mail, de propos élogieux en autres flatteries à peine exagérées, voilà que notre ami Georges, peintre modeste mais ambitieux, signe un contrat de publication de ses toiles pour un catalogue haute qualité ! Ah, mais quel homme courageux ce Georges qui se rend à de multiples expositions, salon des arts, même des brocantes ! Tout est bon pour se faire connaître ! L’homme lui lança ces quelques phrases, car pour diffuser ce catalogue il fallait aussi lui en acheter, eh bien oui, ça allait multiplier les chances, bien entendu…

Toujours soucieux, mais conforté par des propos rassurants et toujours autant de flatteries, Georges suivra finalement l’homme, qui depuis quelques mails, se présentait comme un porteur de rêves, un passeur d’art… Ah la jolie formule n’est-ce pas ? Georges était convaincu, car toute la batterie de propos persuasifs était utilisée. L’art, la profondeur de l’art, ce que recèle un peintre, un vrai, les messages qui passent dans une toile. L’homme, s’y connaissait c’était certain ! Un passionné, un vrai quoi !
Georges reçut sa commande de catalogue, il l’ouvrit et là, stupéfaction ! Le catalogue était rédigé en diagonale dans le sens où aucune règle de bases n’étaient respectées, les photos ? N’en parlons pas… Ou plutôt si, floues pour certaines, mal cadrées pour d’autres, retouchées et faussant ainsi la couleur des toiles qui semblaient presque malades… Ah ! Georges l’avait senti, il avait eu dès le départ des doutes concernant l’homme. Le porteur de rêves et passeur d’art était tout bonnement, un escroc. La flatterie ? Il y en avait trop, pour qu’elle soit sincère. Les connaissances en art s’avérèrent être trop répétitives que pour être sincères, plutôt calculées pour le « paraître ».

Georges n’allait pas en rester là, il allait pousser son coup de gueule et dire au porteur de rêve et passeur d’art ce qu’il pensait de lui. Oulah… quelle erreur ! Le monstre allait surgir, bondir, sortir les crocs et les ergots. Comment pouvait-on ainsi dénigrer tout ce qui avait été fait, dit, avancé ! L’homme était furibond et menaçant envers notre Georges.

L’ami Georges fut blessé, touché par tant de haine et de mépris, il dut faire face à l’horreur et se dit que finalement, une toile un peu gauche, avec quelques défauts c’est beau… Car une toile retouchée pour masquer les erreurs, les défauts, c’est tricher et mentir. L’homme, ce porteur de rêves et passeurs d’art n’était finalement, qu’un porteur d’ennuis et un passeur d’objectifs cupides. Georges prit du recul et ferma sa vie à l’homme cupide, et put ainsi respirer sans oppression, faux semblants, et tout ce qu’il y a d’horrible chez l’être humain. Le cauchemar était fini. Georges avait appris une chose durant sa vie : C’est que justement, la vie d’un homme n’appartient à quiconque sauf à lui. Il en détient les clefs, il fait entrer qui il veut et jette dehors qui il veut, il a les clefs.

Morale :

Avant d’entrer dans la vie d’un homme, essuyez-vous les pieds, soyez vous-même, respectez-le, acceptez-le, ne mettez pas de désordre et soyez en toutes circonstances, respectueux de l’accueil qui vous est fait, sinon ? Sortez, et ne revenez surtout jamais plus, vous ne détenez pas les clefs de la vie d’autrui.

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