vendredi 7 juin 2019

Dîner à Montréal  de Philippe Besson par Vincent Vallée.






Après « Arrête avec tes mensonges », et « Un certain Paul Darrigrand », Philippe Besson clôture une trilogie sentimentale même si, selon moi, c’est bien plus que ça.

En effet, Besson continue de mentir malgré les recommandations de sa mère. Si on connaît un peu l’auteur au travers de ses livres et autres interviews on sait tous que le mensonge c’est un des outils de l’écrivain. Mais tous les écrivains mentent, Besson lui aussi le fait, mais pour donner ce côté romanesque à son histoire ou pour brouiller les pistes, lui sait... Car après tout, c’est son intimité qu’il avait besoin de coucher sur le papier. En tant qu’écrivain, il est normal qu’il nous déforme un peu sa vérité, mais, dans les grandes lignes, dans la sincérité des sentiments, du vécu, rien ne nous est caché.

« Dîner à Montréal » est donc le dernier chapitre, le dernier plongeon dans ses souvenirs de jeunesse. Je lis souvent qu’on se retrouve dans ses récits, car, on a tous vécu des amourettes, qui vont plus loin que ça, plus loin qu’un flirt et qui sont plus sincères que ce que l’on vit depuis un mariage ou une union quelconque. Il ressort de ces amours fugaces, une nostalgie liée à la jeunesse des sentiments, mais aussi un souvenir vif, car le fruit de premiers émois. Et puis, pour beaucoup de lecteurs comme moi, encore plus d’attachement et de similitudes, car je me suis retrouvé chez Philippe, mais aussi chez Thomas et chez Paul…

La découverte de l’autre, l’attachement à une allure, une démarche, une mimique, un charisme. Sans oublier les odeurs, les sensations du toucher, la découverte d’un corps… Et puis, les sentiments si lourds de sens, si intenses, car nouveaux ou incontrôlables. Dans ce dernier roman au sujet de ses amours de jeunesse, il s’agit des retrouvailles avec l’une d’elles. Une sorte de mise au point après s’être retrouvé par hasard ? Lors d’une séance de dédicace. Un repas avec les conjoints respectifs, des regards, des allusions, et puis… Ces quelques moments de retrouvailles seul à seul quand les conjoints partent fumer, délibérément… Il veut savoir, Philippe veut savoir si Paul a souffert de leur rencontre, mais surtout de leur rupture, s’il a oublié tout de suite, s’il l’a réellement aimé aussi…

En lisant cette confrontation voulue, provoquée, d’avec des souvenirs amoureux, passionnels, il y a cette volonté de savoir bien entendu, mais aussi, cette évidence que rien ne pourrait reprendre là où on l’avait laissé. L’eau a coulé sous les ponts, on s’est éloigné, on a vécu, on a changé. Tenter de reprendre une histoire vieille de presque 20 ans serait une erreur et certainement impossible. La remettre sous la lumière pour comprendre certaines zones d’ombre par contre, c’est intéressant. Certes ça fera mal, ça ravivera les souvenirs qui parfois reviennent nous hanter depuis 20 ans et puis… On comprendra que l’un et l’autre on a souffert. Mais que l’un et l’autre on a survécu différemment à la rupture.

Philippe est touchant dans cette discussion autour d’un repas, car il se livre et analyse les réactions, les réponses. Il fait aussi son examen de conscience en quelque sorte. Paul lui, reste distant, mais se livre malgré tout. Il était marié, pour lui c’était encore plus difficile à gérer. Et puis, il a repris sa vie, il aime sa vie, mais… La perspective d’une autre reste une énigme. Philippe veut savoir si Paul a aimé d’autres garçons la réponse reste évasive. Ce qui est certain, c’est qu’il l’a aimé lui, Besson. Le repas se termine, chacun repart dans sa vie, les conjoints presque complices reprennent leurs mari ou amant à la garderie des sentiments enfouis. La table des sentiments déposés est nettoyée, l’analyse se termine.

Et puis, le soir, quand la nuit est tombée sur les amours vaincus, exorcisés le temps d’un repas, un SMS vient éclairer la chambre, Philippe le lit et il reçoit une dernière réponse à ses questions, touchante, inoubliable… que certainement quelques lecteurs aimeraient recevoir aussi.


Philippe Besson et moi à la Foire du livre de Bruxelles.




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire