vendredi 7 juin 2019

Dîner à Montréal  de Philippe Besson par Vincent Vallée.






Après « Arrête avec tes mensonges », et « Un certain Paul Darrigrand », Philippe Besson clôture une trilogie sentimentale même si, selon moi, c’est bien plus que ça.

En effet, Besson continue de mentir malgré les recommandations de sa mère. Si on connaît un peu l’auteur au travers de ses livres et autres interviews on sait tous que le mensonge c’est un des outils de l’écrivain. Mais tous les écrivains mentent, Besson lui aussi le fait, mais pour donner ce côté romanesque à son histoire ou pour brouiller les pistes, lui sait... Car après tout, c’est son intimité qu’il avait besoin de coucher sur le papier. En tant qu’écrivain, il est normal qu’il nous déforme un peu sa vérité, mais, dans les grandes lignes, dans la sincérité des sentiments, du vécu, rien ne nous est caché.

« Dîner à Montréal » est donc le dernier chapitre, le dernier plongeon dans ses souvenirs de jeunesse. Je lis souvent qu’on se retrouve dans ses récits, car, on a tous vécu des amourettes, qui vont plus loin que ça, plus loin qu’un flirt et qui sont plus sincères que ce que l’on vit depuis un mariage ou une union quelconque. Il ressort de ces amours fugaces, une nostalgie liée à la jeunesse des sentiments, mais aussi un souvenir vif, car le fruit de premiers émois. Et puis, pour beaucoup de lecteurs comme moi, encore plus d’attachement et de similitudes, car je me suis retrouvé chez Philippe, mais aussi chez Thomas et chez Paul…

La découverte de l’autre, l’attachement à une allure, une démarche, une mimique, un charisme. Sans oublier les odeurs, les sensations du toucher, la découverte d’un corps… Et puis, les sentiments si lourds de sens, si intenses, car nouveaux ou incontrôlables. Dans ce dernier roman au sujet de ses amours de jeunesse, il s’agit des retrouvailles avec l’une d’elles. Une sorte de mise au point après s’être retrouvé par hasard ? Lors d’une séance de dédicace. Un repas avec les conjoints respectifs, des regards, des allusions, et puis… Ces quelques moments de retrouvailles seul à seul quand les conjoints partent fumer, délibérément… Il veut savoir, Philippe veut savoir si Paul a souffert de leur rencontre, mais surtout de leur rupture, s’il a oublié tout de suite, s’il l’a réellement aimé aussi…

En lisant cette confrontation voulue, provoquée, d’avec des souvenirs amoureux, passionnels, il y a cette volonté de savoir bien entendu, mais aussi, cette évidence que rien ne pourrait reprendre là où on l’avait laissé. L’eau a coulé sous les ponts, on s’est éloigné, on a vécu, on a changé. Tenter de reprendre une histoire vieille de presque 20 ans serait une erreur et certainement impossible. La remettre sous la lumière pour comprendre certaines zones d’ombre par contre, c’est intéressant. Certes ça fera mal, ça ravivera les souvenirs qui parfois reviennent nous hanter depuis 20 ans et puis… On comprendra que l’un et l’autre on a souffert. Mais que l’un et l’autre on a survécu différemment à la rupture.

Philippe est touchant dans cette discussion autour d’un repas, car il se livre et analyse les réactions, les réponses. Il fait aussi son examen de conscience en quelque sorte. Paul lui, reste distant, mais se livre malgré tout. Il était marié, pour lui c’était encore plus difficile à gérer. Et puis, il a repris sa vie, il aime sa vie, mais… La perspective d’une autre reste une énigme. Philippe veut savoir si Paul a aimé d’autres garçons la réponse reste évasive. Ce qui est certain, c’est qu’il l’a aimé lui, Besson. Le repas se termine, chacun repart dans sa vie, les conjoints presque complices reprennent leurs mari ou amant à la garderie des sentiments enfouis. La table des sentiments déposés est nettoyée, l’analyse se termine.

Et puis, le soir, quand la nuit est tombée sur les amours vaincus, exorcisés le temps d’un repas, un SMS vient éclairer la chambre, Philippe le lit et il reçoit une dernière réponse à ses questions, touchante, inoubliable… que certainement quelques lecteurs aimeraient recevoir aussi.


Philippe Besson et moi à la Foire du livre de Bruxelles.




dimanche 2 juin 2019

Je veux me souvenir par Vincent Vallée





Il était une fois… Voilà comment débutent les belles histoires n’est-ce pas ?
Pour ma part, l’histoire dont je veux me souvenir ce soir, c’est l’histoire de ce jeune garçon qui lisait assis par terre dans une bibliothèque, des BD, des romans…
Je veux aussi me souvenir, même si ce fut dur alors, atroce même, de ce petit qui en l’espace d’une heure perd son unique repère, son pilier, son modèle, son premier spectateur… J’avais 8 ans, il était 16 h 45 et tu étais couché… Une heure avant j’étais sur tes genoux. Je veux me souvenir de ce grand dictionnaire que tu m’as donné Tintin, juste avant de partir là d’où on ne revient pas.

Car si je pouvais une heure seulement, te voir revenir, te tenir la main et te dire… non, te demander comment agir et réagir dans ce monde complètement fou, entendre tes réponses… Il y en a une que je connais déjà : Vincent… Tout ça a passé l’eau… Alors je serais apaisé et je te dirais combien, 34 ans plus tard tu comptes encore pour moi…
Je veux me souvenir de ces difficiles moments à l’école, ces échecs, ces difficultés, mais aussi ces craintes, ces chagrins et appréhensions chaque veille de jour d’école… chaque veille… Me souvenir de ma prof de première primaire qui me laisse seul pendant une récréation, moi plâtré, elle qui devait s’absenter… J’étais si horriblement seul. Ce jour-là, j’ai pris conscience que les adultes mentaient parfois aux enfants.

Je veux songer à mes efforts pour passer au-dessus de mes angoisses, de mes bobos imaginaires, et puis toi à qui j’ai fait tant de mal, tellement peur alors que j’étais en parfaite santé. Alors durant toutes ces années, j’ai loupé l’essentiel : L’école, apprendre, m’amuser…
Mais je veux pourtant me souvenir de ces quelques profs qui m’ont aidé, aimé même. Celui qui m’a pris dans ses bras pour rejoindre la classe chaque jour, car j’étais à nouveau dans le plâtre, chaque midi, chaque soir… C’est ce même prof qui a semé en moi la graine des mots. Mon Dieu comme je lui dois…

Je veux me rappeler de cet autre prof qui m’a annoncé que j’étais le seul à avoir raté mon examen cantonal. Il avait eu cette délicatesse, celle de m’isoler et de me dire que ce n’était pas un échec, mais qu’à partir de là j’allais me battre et surtout, que j’allais gagner. Alors monsieur… Je n’ai pas tout gagné non, mais ça vous le saviez n’est-ce pas, mais j’ai gagné beaucoup de bataille, contre moi, contre ça, contre eux…
Je veux me souvenir de ces histoires que j’écrivais, ces poèmes au marqueur de couleur, ces lettres d’amour que j’écrivais… Cette machine à écrire que j’ai apprivoisée pour « jouer à l’écrivain » je me suis pris au jeu. Je veux me souvenir de ce roman énorme qui me disait de le lire, que je regardais en me disant je ne sais pourquoi que je devais m’y plonger. Je l’ai fait… 3 fois.
Des pages entières, des carnets entiers, des fardes remplies, des mots d’amour, de haine, de chagrin puis des histoires comme « Le château de Cheron, Emeline la poupée oubliée, Mon ami Dicky », et puis dans ces histoires une dernière qui s’intitulait Le grand voyage… Mes petites histoires, mes premières tentatives.

Je veux me souvenir de mes débuts d’auteur, gauche, maladroit, berné par un pseudo éditeur français en 2010, puis un autre en 2012, puis un passage à vide… mais jamais je n’ai lâché ma plume, toujours j’ai travaillé à m’améliorer. Je me rappelle avoir persévéré, repris des cours à distance, et puis j’y ai cru, vraiment cru… Quelle déception ! Alors que je m’étais battu, tellement battu contre moi, je croyais y être arrivé car il me le disait: tu n’es plus ceci, cela, tu es un écrivain édité. Il(s) me le dir(ent)… Cet épisode m’a renvoyé à cette fois où mon institutrice m’a laissé seul dans cette grande classe...
Mais… Je veux me souvenir que je suis en train d’oublier et tant pis pour mes deux poètes… Je les abandonne, mais je me souviendrai que grâce à eux, uniquement eux, j’ai pu oublier une mauvaise rencontre de 2005, car en me reconnaissant en eux, j’ai pu obtenir un petit lectorat, une petite reconnaissance, j’ai un pied dans la porte entrouverte, grâce à eux je m'épanouis en écriture. Alors oui, tant pis je les abandonne réellement mais moi j’avance, parce que j’ai gagné. Mon pire ennemi, c’est moi. Aujourd’hui, et j’ai gagné une bataille contre lui.

« JE est un autre » pas vrai Arthur ?

Je veux me souvenir que tout ça, fait que je suis moi aujourd’hui, que je suis un auteur publié qui se bat chaque jour pour faire aboutir ses rêves, tant pis pour ceux qui se sont en-volés, la route est longue on y laisse parfois une roue, un pare-chocs et alors ? Seul mais fier, seul mais conforté par mon choix, seul mais je peux me regarder en face et comprendre que je fais des erreurs, je me conduis mal parfois, je suis têtu, provocant. Cependant, au-delà de ça, je suis fier de ce que je suis devenu, malgré tout et en dépit de tous ces souvenirs pénibles ou tendres, difficiles ou angoissants.

Aujourd’hui je cherche ce petit garçon assis sur les épaules de son grand-père qui respire l’odeur du fumier de la ferme et qui dit à celui-ci :

— On va s’enfoncer dans la boue, y’en a trop Tintin, on voit plus tes pieds !
— Mais non Vincent, avec moi tu ne crains rien, et puis à deux on est les plus forts !

J’ai souri mais il ne l’a pas vu. Aujourd’hui je souris encore Tintin, parce que tu es là, invisible mais présent et tu veilles sur moi.
J’oublie tout ça et à nouveau je grimpe sur tes épaules pour ne plus m’enfoncer… Oui, à deux on est les plus forts !

lundi 27 mai 2019

L’Hôtel Littéraire Arthur Rimbaud. Par Vincent Vallée.





Après avoir écrit au sujet de Verlaine et Rimbaud, j’ai découvert la naissance d’un hôtel dédié à Arthur Rimbaud, situé dans le dixième arrondissement de Paris : L’Hôtel Littéraire Arthur Rimbaud.



Que dire si ce n’est que, étant donné que j’écris en ce moment au sujet du jeune poète ce fut évident pour moi de me rendre dans cet hôtel pour le découvrir et me plonger dans une ambiance purement rimbaldienne.
Arrivé à Paris, je suis monté dans le métro, un homme jouait de la trompette, j’étais dans l’ambiance parisienne. Arrivé devant la façade de L’Hôtel Littéraire Arthur Rimbaud, j’ai avant toute chose regardé la façade qui ma foi est simple et classe. L’essentiel, on sait qu’on est arrivé à l’hôtel qui lui est consacré.


L’accueil fut agréable, chaleureux et première surprise : Des livres, des recueils, des copies de lettres de l’homme aux semelles de vent. Un hall chaleureux tout comme notre prise en charge.
Petite attention propre à ma réservation, étant donné que je suis belge, on me confie la chambre qui porte le nom : Bruxelles. C’est peu de choses, mais c’est une preuve d’attention et de souci de bien faire.
La chambre est étonnante ! Moderne et chic, un lit bien fait et garni d’un dessus-de-lit au nom d’Arthur Rimbaud. Un petit bureau, une machine à café (c’est important pour moi) une armoire garnie de la célèbre photo prise par Carjat du jeune éphèbe. Mais aussi une salle de bain modeste, mais pratique et moderne, tout y est dont des échantillons aux saveurs de miel, j’adore ça ! 




Il faut noter une anecdote, sur internet je lis, une fois installé sur le lit confortable en plus d’être bien fait, qu’un homme de passage à l’Hôtel littéraire se plaint de la chambre qu’il a eue, car sous les combles. Les poutres et le plafond incliné l’auraient gêné. C’est donc quelqu’un qui ne connaît pas bien le poète, en effet, Arthur Rimbaud, une fois arrivé à Paris pour commencer son aventure avec Paul Verlaine, va régulièrement dormir sous des combles avec vue sur les toits parisiens. Quelle belle immersion selon-moi, j’avais une chambre de ce style et j’ai adoré ce petit point commun. Arthur disait :

 Le rêve maternel, c’est le tiède tapis,
C’est le nid cotonneux où les enfants tapis,
Comme de beaux oiseaux que balancent les branches,
Dorment leur doux sommeil plein de visions blanches ! ...

J’ai pu poursuivre l’écriture de mon tapuscrit au sujet de Rimbaud dans une ambiance où je n’aurais pas pu être distrait ou sorti du contexte et puis j’ai aussi pu me délecter d’un petit-déjeuner parfait, bien préparé, bien garni et géré par une jeune dame souriante et soucieuse du travail bien fait. 


Depuis ma table, une vue sur la jolie bibliothèque Rimbaldienne, sur quelques cadres qui reprennent lettres et autres dessins du poète. Un buffet garni de viennoiseries me rappelle ces quelques vers de Rimbaud :

C’est un large buffet sculpté ; le chêne sombre,
Très vieux, a pris cet air si bon des vieilles gens ;
Le buffet est ouvert, et verse dans son ombre
Comme un flot de vin vieux, des parfums engageants...

Avant de m’en aller, j’ai pu offrir mon roman au sujet de Verlaine et Rimbaud à la sympathique directrice, ce cadeau me semblait évident.


Pour conclure, si vous désirez une chambre à Paris située à proximité de tous les moyens faciles pour parcourir la capitale, confortable et classe et qui plus est vous plonge dans la littérature et en particulier la poésie, une seule adresse :
L’Hôtel Littéraire Arthur Rimbaud, 6 rue Gustave Goublier
75010 Paris.

samedi 25 mai 2019

Écrire, Éditer = Sincérité, Liberté par Vincent Vallée





Écrire, Éditer = Sincérité, Liberté

Parfois, du haut de ma petite expérience d’auteur autoédité, je lis et observe des comportements qui m’indignent. Je veux parler du monde dans lequel j’évolue en tant que petit auteur régional. Avant de critiquer certains auteurs ou éditeurs, je souhaite mettre en avant ceux qui sont sincères.

Citons-les : les auteurs autoédités et les publiés de notre petite Belgique et d’ailleurs, qui ne sont pas des Levy, Schmitt et autres (que je ne dénigre pas). Ces auteur(e)s m’ont motivé, donné envie de poursuivre et guidé. Ils ont en eux cette soif de partager, de conseiller, et ce besoin d’écrire, qu’il s’agisse d’un vécu, d’une romance ou d’un style unique. Qu'importe le genre, tous m’ont beaucoup apporté. Bien qu’ils ne soient pas nombreux, leur présence est rassurante. Ces auteurs se soucient peu de votre talent ou de votre vie ; ils donnent, car pour eux, c’est un juste retour des choses. Beaucoup ont déchanté, mais heureusement, ils sont moins nombreux que ceux qui m’ont déçu.

Ces auteurs, comme moi, sont des « apprentis ». Ils essaient, tâtonnent, et écrivent parfois de manière maladroite. Écrire de travers n’est pas grave tant qu’on l’admet et se remet en question. Je n'accepte pas les remarques méchantes sur l’effort d’écrire. Ceux qui jouent avec cela ne méritent pas d’être cités ici.

En revanche, ce que je veux dénoncer, c’est l’ignorance, le manque d’humilité et la prétention de certains. Écrire, c’est un parcours. Vous trouverez peut-être des erreurs dans cet article, mais j’en suis conscient, et cela me conforte dans l’idée que je n'ai pas encore atteint un stade élevé en tant qu'auteur. J’ai encore beaucoup à apprendre, et j’en suis heureux. Paradoxalement, parmi ces auteurs peu humbles, il y a des journalistes, professeurs et éditeurs. Vous pourriez dire que je suis encore bancal comme auteur, mais ce n’est pas incompatible.

En parlant d’éditeurs, rencontrés depuis 2009, j’en viens à définir ce qu'est un éditeur. Selon moi, c’est avant tout un auteur. Il est crucial de comprendre les auteurs et de ressentir ce qu’ils vont vivre après avoir confié un manuscrit. Un éditeur doit faire son travail sérieusement et modestement. Il n’est pas le père, ni le frère, mais le parrain du livre. Il garantit la pérennité de l'écrit, déchargeant l’auteur de nombreuses tâches fastidieuses, comme la correction, la mise en page et les démarches administratives.

Éditer, c’est aussi dénicher des séances de dédicaces et envoyer des dossiers de presse. L’éditeur doit avoir un carnet d’adresses et encourager ses auteurs, par exemple en offrant des marque-pages et flyers. Voilà pourquoi je considère ne pas être véritablement édité ; je n'ai pas encore vécu tout cela.

Un éditeur doit être honnête. S’il arrive qu’un auteur trouve mieux ailleurs et souhaite récupérer ses droits, il faut le laisser partir dans le respect mutuel des contrats signés. Les contrats doivent être simples, clairs et identiques pour tous les auteurs, sauf pour des détails techniques. Un éditeur à compte d’auteur ou participatif peut être honorable, à condition de respecter ses auteurs. Demander à ses auteurs d’acheter leurs exemplaires dans un cadre participatif est acceptable, si cela est clair dès le début.

En somme, des éditeurs modestes, j’en connais plus que ceux qui font peur. Ceux-là, on les connaît à peine, car ils ont compris qu’un éditeur doit soutenir ses auteurs, sans se servir d’eux pour gagner de l’argent. Éditer est une passion, un don de soi. Malheureusement, les livres ne se vendent pas toujours facilement. Ces éditeurs, qui se battent pour leur passion, ont tout mon respect.

En ce qui concerne les éditeurs véreux, ceux qui pensent « pognon, lumières et projecteurs », ils font des contrats douteux, privilégient les exigences de l’auteur plutôt que les engagements de l’éditeur. Éditer, c’est un métier et une passion. Quand ça débute, il y a la possibilité d’un compte participatif honnête, mais il faut avancer pas à pas.

Je souhaite rendre hommage à une maison d’édition qui ferme ses portes : les éditions Luce Wilquin. En 30 ans, ils ont publié 500 ouvrages, dont 340 issus de 90 auteurs fidèles. Voilà l’exemple à suivre : une maison modeste et sérieuse, qui a su miser sur ses auteur(e)s.

Ces éditeurs véreux m’ont fait peur par leur incompétence à respecter leurs auteurs. Souvent, ils sont partout, se vantent de réaliser de nouvelles choses. Ils trouvent des auteurs naïfs qui ne se renseignent pas sur eux. Beaucoup se reconnaîtront dans cet article, que ce soit en tant qu’éditeur honnête ou malhonnête. Les malhonnêtes ne l’admettront jamais. Beaucoup d’auteurs imbus prétendent qu’on naît écrivain, qu’il n’y a pas besoin de travailler.

Je conclurai en disant que le travail d’un auteur est un amusement, c’est le plaisir de faire des recherches, de fouiller dans les livres et sur Internet. La différence entre un auteur et un écrivain n’est pas banale. Un auteur peut être un ex alcoolique qui souhaite partager son vécu, tandis qu’un écrivain crée une œuvre avec un lien entre ses ouvrages.

Vive les mots et ceux qui les écrivent avec passion, vive le livre qui existe grâce à des éditeurs honnêtes. Comme le disait Verlaine :

« Va mon livre, là où le hasard te mène… »


©Vincent Vallée



[1] https://www.actualitte.com/article/monde-edition/fermeture-de-la-maison-d-edition-belge-luce-wilquin/92429

dimanche 19 mai 2019

Tu signais Ernst K. de Françoise Houdart, par Vincent Vallée.




"Tu signais Ernst K." c’est près de cinq cents pages l’évocation d’une guerre, la grande guerre. Plus précisément celle qu’a vécu Boussu, ses femmes et ses enfants.

Début 1917, les « Boches » arrivent à Boussu. Deux mille soldats qui font trembler les routes du village, de loin on les entends, on se crispe. Ils seront logés chez l’habitant, c’est décidé, planifié. Parmi ces soldats tant détesté car symbole de l’ennemi, il y a Ernst K, dix-neuf ans, dessinateur à ses heures perdues. Ernst K. balade son cahier de dessin de Roisin à Tournai.

Ce cahier, Françoise Houdart l’a retrouvé, ou plutôt on le lui a confié. Françoise l’a questionné ce cahier, rendant ainsi, petit à petit, la vie à ce jeune soldat qui deviendra le sujet de ce roman : « Ernst, j’inverse les lettres de ton prénom et tu deviens étoile : « stern… » Ernst K. est cette étoile grâce à Françoise Houdart un siècle après son entrée à Boussu, éclairant nos mémoires pour que tout un chacun se souvienne, n’oublie pas, se rappelle…

Ernst K. s’installe donc dans une famille boussutoise comme les autres, il y a Victor, Juliette son épouse, les deux jeunes garçons, Arthur et Jean et puis Laura, la petite fille. Sans oublier les personnages qui vont de l’instituteur, du vicaire résistant, du notaire, de « Nan l’coulon », de la vieille voisine Léa …
Toute un village recréé avec, aussi la présence de l’occupant, le passage des pieds bottés dans les rues, comme en ces cités autrefois décimées par une autre peste, les privations de toutes sortes, les solutions pour rappeler le café ou le savon, les convois chargés de travailleurs forcés, la dénonciation, les vengeances, les fouilles, le typhus, et l’hôpital qui accueille chaque jour des jeunes détruits, de vies brisées, la guerre est là, terrible et interminable guerre et son atrocité.

L’une des principales particularités du livre se trouve sans doute dans l’humanité dont Françoise Houdart a su habiller progressivement celui qui, au départ, n’était que l’occupant qui s’impose mais qui a le cœur et l’esprit partagé entre sa patrie et le pays occupé, la maison maternelle et celle où l’a déposé le destin, les lettres d’Emma, les brefs échanges avec Juliette, son hôtesse.

Un grand roman nourri par une extraordinaire documentation mais aussi par les témoignages d’une vieille dame centenaire chez qui la narratrice verra Laura, la petite fille de ce roman. Dans les blancs de cette histoire presque oubliée, Françoise Houdart, par son écriture, établit cette complicité avec son personnage et son lecteur. Un roman difficile à oublier pour passer à un autre et cela, pour moi, c’est un signe de véritable réussite.

Je ne peux conclure cette chronique sans me remémorer les anecdotes et autres signes qui ont accompagnés la naissance de ce roman, cette aventure littéraire pour son auteure.

L'auteure :



samedi 11 mai 2019

C’est Dieu, c’est l’éternité.






Il sont face à moi, montants, venants, reculant pour mieux m’atteindre…

Les flots rugissent, se fracassent sur les arêtes rocheuses pour peindre une faiblesse…

Relents marins, cris volatiles sont ses compagnons, la mer… C’est Dieu, c’est l’éternité.


Le ciel se fond en elle, le soleil copule avec l’horizon, l’amour à ses raisons… que l'œil du peintre ignore.

L‘iode qui s’en dégage, l’écume qui y fait rage, rien ne tient debout sur elle, tout y vacille…

Relents marins, cris volatiles sont ses compagnons, la mer… C’est Dieu, c’est l’éternité.


Vacillant, troublé, mon regard semble s’en aller, tanguer, se déporter, son ondulation m’emporte.

Des heures éternelles pourraient ainsi s’écouler et je t’écouterais, toi. Oui, je t’ai trouvé toi, immensité.

Relents marins, cris volatiles sont ses compagnons, la mer… C’est Dieu, c’est l’éternité.

En toi gisent des âmes heureuses, tu les berces de tes emportements violents, pourtant, ils reposent.

Je te crains éternité, tu t’époumones et je t’aime toi l’infini, l’immensité, Dieu…la mer…

Relents marins, cris volatiles sont ses compagnons, la mer… C’est Dieu, c’est l’éternité.



Illustrations: Toile de Saintes-Maries-de-la-mer Vincent Van Gogh

mardi 23 avril 2019

Un certain Paul Darrigrand de Philippe Besson par Vincent Vallée


Un certain Paul Darrigrand



« Arrête avec tes mensonges » fut déjà une surprise, une claque littéraire et pour le style de Besson et pour l’impact laissé au corps.
Lorsque j’ai vu que Philippe Besson avait réitéré l’expérience, celle de se confier, de se livrer et puis surtout, ce qui me touche le plus, exorciser avec tendresse un passé, un moment vécu passionnément, alors j’ai foncé.

« Un certain Paul Darrigrand » est en réalité une sorte de suite à la vie de jeune homme de Besson, il nous explique là encore, mais pour notre plus grand plaisir assaisonné de curiosité, une autre aventure amoureuse, avec un jeune homme tout comme lui. Sauf que, celui-ci est marié et donc, de fait, n’assume pas son attirance pour les garçons.

Bien entendu, j’ai commencé à cerner Besson, je sais qu’il sème quelques « mensonges » pour troubler, ne pas tout dire tel que lui l’a vécu et c’est aussi cela, son style. De nouveau, Besson va tomber amoureux, de nouveau d’un jeune homme grand, pâle de peau, beau… Sans oublier que ce garçon, Paul, est marié. Ce sera pourtant plus fort que lui, comme une pulsion réprouvée trop longtemps, Paul tombera dans les bras et dans les draps de Philippe. Un amour charnel, redondant dès que possible, puis plus tendre, plus amoureux…

C’est aussi à cette période de sa vie que Besson tombera gravement malade, à l’époque où le sida s’attrapait comme un rhume, lui va se voir hospitalisé pour un sérieux problème avec son sang. Tout va s’enchainer pour Philippe, il sera partagé entre son amour clandestin avec le beau Paul et sa santé qui va le pousser au bord de la mort, il s’en fallut de peu. Pourtant, ce qui va mourir, doucement, cruellement, après des aveux de Paul à son épouse, c’est l’histoire d’amour entre lui et Paul Darrigrand.

On peut supposer que Darrigrand s’est défilé, qu’il n’a pas assumé, mais à la lecture de ce roman, je dirai juste qu’il a « choisi », non sans peine, non sans douleur. J’ai été très touché par ce Paul « hetero » car il est en lutte avec la passion, les pulsions et la raison. Tôt ou tard, dans nos vies, nous devons faire des choix, parfois ceux-ci sont cruels et indélébiles, mais il le faut, pour avancer… Rien ne se fait sans fracas, sans cicatrice comme celle que Besson a sur le ventre et qui lui a permis de survivre alors. Pourtant celle qui le touche le plus, et dans sa chair et dans son fort intérieur, c’est sans nul doute, d’avoir été obligé « d’oublier » Paul Darrigrand.

La fin du roman nous démontre que cette douleur est partagée et ça aussi… C’est beau.